Les délais de paiement des factures aux sous-traitants s’allongent parfois jusqu’à 100 jours. Une pratique légale, mais qui met en difficulté les petites entreprises du secteur. Par Yves Smadja
Face aux délais de paiement dans la construction, les PME auraient intérêt à se regrouper. (Crédits: Guinnard/EOL)
«Il y a encore quatre ans, les contrats prévoyaient systématiquement des délais de paiement à 30 jours», explique Laurent Spinelli, directeur de l’entreprise familiale Spinelli, active dans le bâtiment depuis trente-cinq ans. Les conditions générales prévoient désormais des délais de paiement de plus en plus souvent à 60 ou 90 jours pour les factures émises en cours de chantier, et jusqu’à 120 jours pour les décomptes finaux. «De notre côté, nous payons nos charges et nos fournisseurs à 30 jours», précise Laurent Spinelli.
Des pratiques tout à fait légales, inscrites dans les conditions générales, mais qui étouffent les PME. «Nous sommes heureux que notre ancienneté et nos bonnes relations avec notre banque nous fassent bénéficier de crédits. C’est devenu indispensable», ajoute Laurent Spinelli.
Si les crédits accordés par les banques s’accompagnent d’intérêts, ce n’est bien évidemment pas le cas des factures ouvertes. Prises en étau, ces PME ne peuvent pas répercuter ces délais sur le paiement des salaires et se voient même dans l’obligation de payer d’avance les primes de la Suva.
Induni propose des services d’entreprise générale, mais également de sous-traitance dans différents domaines. Associé et directeur général, Robert Gallay reconnaît cette tendance à l’allongement contractuel des délais de paiement. «Une grande partie des acteurs pratique le paiement à 60 jours.»
Certaines entreprises générales prétextent la lourdeur administrative pour expliquer ces longueurs. Ce n’est pas le cas d’Induni, qui reconnaît l’importance de la gestion de la trésorerie. Une chose est sûre, le pouvoir de négociation est du côté des entreprises générales.
Les 120 jours que met parfois la facture finale d’un chantier pour être payée au sous-traitant coïncident avec un délai légal. C’est effectivement la période au-delà de laquelle une entreprise peut déposer une hypothèque légale sur le bien construit. «C’est un outil très puissant, explique un avocat genevois. Preuves écrites du travail fourni à l’appui, cette hypothèque permet au sous-traitant de mettre un gage sur le bien immobilier.»
C’est un moyen de protéger les PME face aux faillites d’entreprises générales qui utilisent la trésorerie d’un chantier pour en payer un autre. Mais là encore les délais s’allongent et les frais s’accumulent.
176 faillites en 2013
Globalement, le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) se porte plutôt bien, puisqu’il a connu une croissance d’environ 2% en Suisse en 2013. Mais ce chiffre cache un taux de faillite important. Selon une étude du cabinet de conseil Bisnode, le secteur a présenté cette même année un risque de faillite deux fois plus élevé que la moyenne de l’ensemble des secteurs. Les fermetures d’entreprises sont effectivement nombreuses (176 en Suisse en 2013), et de vieilles entreprises bien établies disparaissent avec leur savoir-faire.
Dans un tel contexte, la logique économique voudrait que le marché se consolide, que les PME tendent à s’allier pour atteindre une taille critique qui leur permettrait de supporter ces trous de trésorerie. Mais, paradoxalement, «on ne constate que très peu de fusions parmi les sous-traitants», estime Laurent Spinelli.
On parle ici de sociétés familiales, avec des cultures d’entreprise bien ancrées, et pour qui le mariage est loin d’être un réflexe inné. De plus, l’incessante pression sur les prix crée des conditions de marché difficiles pour les petites entreprises, qui ne favorisent pas la naissance d’entreprises.
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